La persistance des groupes armées à l’Est de la RDC, analyse de l’approche du gouvernement quant à la recherche d’une solution finale et définitive à ce fléau.

Merci d’être nombreux à l’écoute de ce vingt deuxième numéro de ce dimanche 27 février 2022. Laissez-moi vous souhaiter un excellent début de semaine. Dans ce numéro, nous allons parler de la question de la persistance des groupes armées à l’Est de la RDC en analysant l’approche du gouvernement quant à la recherche d’une solution finale et définitive à ce fléau qui ronge cette partie de notre pays depuis un temps.

 Le mercredi 16 février 2022, des miliciens de la CODECO ont pris en otage, dans le territoire de Djugu (Ituri), huit membres de la « Task Force » présidentielle. Cette délégation était composée d’anciens seigneurs de guerre de l’Ituri. Parmi les victimes figurent Thomas Lubanga, Floribert Ndjabu et Germain Katanga, tous des anciens chefs de guerre, des ex-chef rebelles.

Le régime de Kinshasa semble avoir adopté une méthode peu orthodoxe qui étonne plus d’un : recruter des anciens seigneurs de guerre tel que Thomas Lubanga pour sensibiliser les groupes armés négatifs à déposer les armes et à se rendre.

La libération de ces membres de la “Task Force”, a été conditionnée par entre autres le remplacement du gouverneur militaire de l’Ituri, le lieutenant Général Jonhy Luboya N’kashama, la fin de l’Etat de Siège ainsi que la réponse positive par le président de la république au cahier des charges lui soumis par ces rebelles depuis 2019 (certaines sources rapportent qu’une rançon de 12 millions de dollars aurait aussi été demandée- information qui reste à confirmer).

Au-delà de l’efficacité de cette approche de « recycler des anciens chefs de guerres » pour en faire des émissaires des paix (qui sait après tous les gens changent, il est possible que ceux-ci aient changé), il y a aussi les questions d’éthique et de justice qui se posent.

Certains de ces groupes armés ont pris les armes pour défendre l’intégrité territoriale menacées par les sponsors des groupes rebelles que ces anciens chefs de guerres dirigeaient. A la présidence croit-on que ces groupes armés vont accueillir à bras ouvert ces anciens chefs rebelles ? La suspicion encrée dans les fabriques et tissus sociaux, qui existait jadis entre ces groupes armés, va-t-elle disparaitre du jour au lendemain ?

Il est clairement et objectivement documenté que les groupes rebelles conduits par ces anciens chefs de guerre ont commis des exactions, affres et des massacres dans ces coins du territoire national (Thomas Lubanga lui-même a été condamné par la Cour Pénale Internationale), croit-on que les victimes de leurs actes barbares aient disparus ou ont oublié le mal que ces gens (et leurs acolytes) leur ont fait ? Ces victimes directes ou indirectes sont-elles prêtes à pardonner et passer l’éponge si facilement uniquement parce que ces gens ont été mandatés par le Président de la République ? Je ne crois pas que les choses soient aussi faciles et simplistes que cela. Au lieu de monter des mécanismes pour reconnaitre les souffrances de ces victimes, voilà, on leur envoie leurs anciens bourreaux pour faire la paix, comme-ci il n’y avait personne d’autres ayant les « mains propres » capable de faire ce travail de réconciliation et de sensibilisation. Et on s’attend à ce que ce processus de sensibilisation produise des résultats. On risque d’attendre éternellement !

Je dois avouer que j’ai du mal à comprendre cette logique. Comment des pyromanes peuvent-ils tout d’un coup devenir des sapeurs-pompiers ? Et même si ce sont des pyromanes convertis, qui les croira ? Qui leur ferra confiance ? Il y a des gens qui défendent cette logique. Leur explication repose sur le fait que ces anciens chefs rebelles ont une connaissance de ces groupes armés et des différents acteurs impliqués dans les conflits armes dans cette région mieux que quiconque. Ils peuvent donc parler le « même » langage qu’eux et se faire comprendre. Mais cela c’est confondre les temps et circonstances. Ces anciens chefs rebelles avaient des objectifs qui sont très différents de ceux des groupes armés actuels. Souvent ces nouveaux groupes armés ne sont que des formes de « subsistance » dans un monde où il y a de moins en moins d’opportunité pour les jeunes. Plusieurs de ces groupes sont dénués d’idéologie politique ou de doctrine militaire mais à cause de l’absence de l’Etat, ils jouissent d’un plus grand ancrage social comparativement aux anciens chef rebelles d’il y a deux ou trois décennies. Il y a beaucoup d’études sur la problématique des groupes armés qui doivent encore se faire au niveau de la présidence de la république, pour une meilleure compréhension de la question. Leur approche et hypothèse de travail ne semble pas avoir de soubassement vérifiable et crédible sur terrain. Qui sait peut-être qu’un changement positif de la situation sur terrain aidera des sceptiques comme nous à changer d’avis. Mais actuellement il est plus que claire que cette approche qui du reste dure depuis plus de trois ans n’a produit aucun résultat à ce jour sauf encourager les groupes armés à la prolifération d’où la croissance explosive de leurs nombres. Et pourquoi ces jeunes déposeraient-ils les armes, s’ils voient ceux qui les ont précédé dans des les arènes du pouvoir ? En tout cas ils gardent espoir qu’eux aussi y arriveront un jour quitte à passer le restant de leur vie dans la brousse !

Chers amis auditeurs et auditrices de la Radio Universitaire Jambo FM, merci d’avoir suivi « MON POINT DE VUE ». Dans ce numéro, nous avons parlé de la question de la persistance des groupes armées à l’Est de la RDC en analysant l’approche du gouvernement quant à la recherche d’une solution finale et définitive à ce fléau qui ronge cette partie de notre pays. Cette chronique vous a été présentée par le Rev Nicolas Kyalangalilwa. Laissez-moi vous souhaiter une heureuse semaine. A très bientôt pour un nouveau numéro. En attendant portez-vous bien et que Dieu vous bénisse !