Les violences basées sur le genre en République Démocratique du Congo. Quelles avancées sur terrain ?

Merci d’être nombreux à l’écoute de ce vingt et unième numéro de ce jeudi 24 février 2022. Laissez-moi vous souhaiter un excellent début de semaine. Dans ce numéro, nous allons parler de la question des violences basées sur le genre. Quelles avancées sur terrain ?

L’Association des Femmes de Médias (AFEM), les journalistes et défenseurs des droits humains étaient dans la rue le mercredi 26 Janvier 2022 dans la ville de Bukavu, province du Sud-Kivu dans l’Est de la RDC. Cette marche avait pour but d’exiger un procès juste et équitable après le meurtre de leur collègue Charline Kitoko Safi, journaliste à la Radio et Télé Vision Shala (VSFM et TV ), tué par son mari, Destin Wabile. Madame Charline Kitoko Safi, âgée de 21 ans, est décédée le 05 janvier 2022 des coups mortels lui administrés par son mari, alors qu’elle revenait d’une cérémonie organisée par sa radio. Mr Destin Wabile sera reconnu coupable de meurtre de sa femme et condamné par le tribunal de Grande instance de Kamituga le mardi 15 février 2022, a 15 ans de prison ferme et sommé de payer 60.000 dollars américains et 1.000.001 des Francs congolais en dédommagement de la famille de la victime et l’Etat congolais.

Dans la nuit du 28 au 29 janvier 2022, Madame Anne-Marie Buhoro a été assassinée par son mari, Saleh Bin Saleh Jérémie Mobango, capitaine dans les Forces Armées de la RDC. Anne Marie Buhoro avait 47 ans et était mère de cinq enfants. Elle était activiste des droits humains dans le sous village de Minova en territoire de Kalehe et travaillait avec la fondation Panzi, du célèbre Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018.

Cet officier sera condamné à la peine capitale pour meurtre, renvoyé de l’armée Congolaise, écopera de 10 ans de servitude pénale pour dissipation des munitions et 10 ans pour violation des consignes par le tribunal militaire de garnison d’Uvira. Le prévenu payera solidairement avec l’État congolais 25.000 dollars américains comme dommages et intérêts aux parties civiles.

Deux femmes tuées en l’espace d’un mois par leurs maris. Elles sont toutes décédées. Les bourreaux ont été condamnés à cause de la pression populaire car ces femmes bénéficiaient d’une certaine notoriété. Mais combien sont ces autres femmes qui subissent ces même types d’atrocités et qui meurent dans l’anonymat, le silence et l’impunité la plus totale ?

Il est impératif d’évaluer l’impact des millions des dollars qui ont été déversés dans les campagnes de sensibilisation et de préventions des violences basées sur le genre. Un rapport de OCHA consulté nous renseigne que plus de 226 Millions de dollars ont été octroyé entre 2016 et 2020 à des Organisations de la Société civile dans la partie Est de la RDC pour des questions d’égalité de genre. Et il ne s’agit-là que de OCHA. Si l’on comptabilise les autres structures onusiennes et internationales (banque Mondiale, etc.) ce domaine aura reçu des millions de dollars de financement. Mais comme le témoignent ces deux meurtres, cet argent n’a pas réussi à changer la mentalité des gens sur terrain. Ceci est d’autant plus étonnant et intriguant car non seulement des moyens ont été mis à la disponibilité des Organisations de la Société Civile mais aussi de l’Etat congolais mais surtout que des lois ont été votées et promulguées pour endiguer ce phénomène. Où nous sommes-nous trompés de chemin ? Qu’est-ce qui n’a pas été fait qui devrait l’être ? La faille se situe-t-elle au niveau de la méthodologie, de l’approche ou de la culture ? Assistons-nous à un rejet d’une idéologie qui semble être taxée d’étrangère et donc qui n’est pas assimilée par la population et ne bénéficie pas d’une appropriation adéquate de la part de celle-ci? Car les résultats sur terrains ne sont pas encourageant après près de deux décennies de travail ardue. Il est plus que clair que malgré les efforts fournis et ceux qui continuent à être fournis, le changement de mentalité n’est pas au rendez-vous.

Une analyse objective de ce phénomène s’impose en ce moment. Je ne prétends pas avoir des réponses. Je ne pose que des questions sur base de mes observations et analyses. Mais avant qu’une autre femme ne se fasse assassiner par son mari quelque part dans un coin obscur de la RDC, il est urgent de trouver des réponses à ces questions. Il est plus qu’impératif d’avoir des solutions pérennes à ce problème qui insécurise la moitié des citoyens congolais. Et peut-être que la solution n’est pas aussi compliquée que l’on le pense. Peut-être que nous devrions commencer par le début : nos maisons et nos écoles. Apprendre à nos enfants le besoin de traiter les autres enfants de l’autre genre (sexe) avec dignité et respect. Peut-être que ces millions après tout au lieu d’aider à résoudre nos problèmes sont venu compliquer la donne et faire d’un problème de société une source de revenue pour certains diluant ainsi le sens éthique et morale de la lutte et le combat pour la dignité à accorder aux femmes. Peut-être que nous devrions plutôt puiser dans nos traditions et coutumes pour y trouver un modèle qui protègerait la femme mieux que ne le font nos lois et plaidoyer actuels. Je ne prétends pas avoir des réponses. Je ne pose que des questions sur base de mes observations et analyses. Car si des activistes de renoms tels que Madame Charline Kitoko Safi et Madame Anne-Marie Buhoro peuvent être comptées parmi les victimes des formes graves des violences basées sur le genre, qu’en sera-t-il alors de celles qui n’ont personne pour les défendre de leurs bourreaux ? Il y a encore beaucoup de travail à faire pour résoudre ce problème de violences basées sur le genre dans notre société.

Chers amis auditeurs et auditrices de la Radio Universitaire Jambo FM, merci d’avoir suivi « MON POINT DE VUE ». Dans ce numéro, nous avons parlé de la question des violences basées sur le genre. Nous nous sommes interrogés sur les avancées sur terrain. Cette chronique vous a été présentée par le Rev Nicolas Kyalangalilwa. Laissez-moi vous souhaiter une heureuse semaine. A très bientôt pour un nouveau numéro. En attendant portez-vous bien et que Dieu vous bénisse !