Ce dimanche 24 avril 2022, l’épisode 36 de la chronique « Mon point de vue » revient sur les assises de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est, qui se sont tenues à Nairobi, capitale du Kenya, où divers sujets touchant à la politique intérieure de la RDC ont été évoqués. Dans ce numéro, le Pasteur Nicolas Kyalangalilwa revient sur certains contours, notamment sécuritaires, qui mettraient en mal la bonne issue de ces échanges, dès lors que les pays de la sous-région trouvent leur part dans la morosité de la situation sécuritaire de l’Est de la RDC.
Le jeudi 21 avril 2022, il s’est tenu à Nairobi, sous la présidence du président Kenyan, un mini-sommet sur la sécurité, organisé par la communauté économique de l’Afrique de l’Est. Ont pris part à ce somment les chefs d’Etats du Kenya (Uhuru Kenyatta), de l’Ouganda (Yoweri Museveni), du Burundi (Evariste Ndayishimiye), de la RDC (Félix Tshisekedi). Le Rwanda était représenté par son ministre des Affaires étrangères. La Tanzanie et le Soudan du Sud, n’était pas de la partie. L’ONU, l’UA, la CIRGL ainsi que les gouvernements américain et français avaient participé au somment en qualité d’observateurs.
De part le communiqué final, tout observateur averti aura compris que la situation sécuritaire à l’Est de la RDC était au centre de ces discussions. La RDC semble avoir sollicité l’aide de la Communauté des pays de l’Afrique de l’Est pour résoudre la question de l’insécurité sur son territoire. Il n’est un secret pour personne que depuis un temps la RDC accuse certains de ses voisins d’être des soutiens des groupes qui déstabilisent la partie Est de son territoire. Le sommet a ainsi décidé de la mise en place d’une nouvelle brigade régionale, commandée par la RDC, pour combattre les groupes armés et ainsi pacifier la région. Le sommet aura aussi résolu que le Kenya faciliterait des consultations entre le président de la RDC et différents groupes armés opérant dans la partie est de ce pays. Le président congolais Félix Tshisekedi devait rencontrer le 22 avril 2022, les leaders et délégués de certains groupes armés actifs dans la région Est de la RDC. A la dernière minute, il s’en ira à Kinshasa laissant un groupe d’experts discuter avec les différentes délégations des groupes armés. Comment expliquer cette volte-face ? Aura-t-il compris à la dernière minutes le piège lui tendu par ses pairs ? Nous ne le saurons jamais. Néanmoins, le dialogue continue sans lui.
Cependant des questions s’imposent face à la réalité de la situation :
- L’EAC va-t-elle donc pouvoir aider la RDC à résoudre ses problèmes sécuritaires ? Cette organisation régionale ne semble pas avoir une historique de bien gérer les conflits. Le cas du Soudan du Sud, qui en estmembre, pourquoi l’EAC n’a pas réussi à résoudre ce problème ? Quel sont les leviers politiques et militaires qui rassureraient que cette fois-ci cette piste aura plus des chances de réussite en RDC que les autres entreprises tentées précédemment ? On doit se rappeler que la MONUSCO est toujours la plus grande force de maintien de la paix onusienne au monde. Et pourtant elle ne semble pas avoir aidé à en finir avec la question des groupes armés à l’Est de la RDC, forte de ces deux décennies au pays. Je crois que ce sommet et ses résolutions ne sont que des services après-vente. Apres l’adhésion de la RDC dans l’EAC, ces Etats veulent s’assurer d’un minimum de stabilité pour permettre leur exploitation. Il n’y a rien dans cette démarche qui peut être retenu dans l’intérêt du congolais. Les Ougandais veulent construire leur route dans la partie Nord (axes routiers Kasindi – Beni- Butembo et Bunagana- Rutshuru – Goma au Nord-Kivu, longs de 223 Kilomètres) et ils ne le font pas par charité. On rapporte aussi que depuis les opérations de traques des ADF, les Ougandais sont dans l’exploitation de l’or (et des bois). Les Rwandais ont déjà signé des accords avec la RDC pour exploiter et transformer les minerais de l’ancien Kivu (avec la société SAKIMA). Les kenyans veulent protéger leur investissement dans les systèmes bancaires (ils ont racheté l’ancienne BCDC).
- En 2012, un premier accord de Nairobi aura été signé. Dix ans plustard, cet accord souffre de mise en application. L’accord cadre d’Addis-Abeba signé le 24 février 2013 n’a toujours pas réussi en ce jour à pacifier la région alors que celui-ci bénéficiait d’un plus grand appui diplomatique et des engagements de plusieurs partenaires. Qu’est-ce qui rassure que le sommet de Nairobi conduise à des meilleurs résultats ?
- Il est aussi à noter que le dialogue qui devrait suivre le mini-sommet était décrit comme un dialogue politique. Et donc le gouvernement congolais allait mener des négociations politique et répondre aux demandes « politiques » des groupes armés. La présidence de la république a depuis lors changé de langage en insistant sur le fait qu’il s’agirait d’une dernière discussion pour inviter ces groupes rebelles dans le processus de désarmement. Mais qu’auront ces groupes en retour s’ils déposaient les armes ? Il est plus que clair que si négociation il y a c’est parce que l’option militaire ne semble mener nulle part. Mais pourquoi le faire à Nairobi sous les auspices des médiations étrangères et non pas en RDC ?
- Qu’en-est-il des pays voisins (le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda) dont certains de leurs rebelles sont en RDC ? Si le sommet se voulait une discussion sur les questions sécuritaires dans la région, la RDC n’est pas le seul à avoir des problèmes. Pourquoi n’a-t-il pas aussi été demandé à ces pays d’organiser des dialogues avec leurs groupes armés ? Tout ceci n’augure rien de bon. Mais l’avenir nous le dira. Nous désirons tous que ce processus marche et produise des résultats mais les prémisses sont déjà biaisées, comme c’était le cas de l’accord d’Addis-Abeba.
- A mon humble avis le problème de la RDC est très complexe et il faut éviter de le résoudre en le simplifiant. Les problèmes de la RDC vont au-delà de la problématique des groupes armé Cette dernière n’est d’ailleurs qu’une expression des problèmes de gouvernance et d’inexistence de l’Etat. Qui les résoudra pour nous ? En plus des enjeux régionaux, il faut reconnaitre les faiblesses internes. Et aussi longtemps que ces faiblesses ne seront pas adressées, la problématique de l’instabilité sécuritaire ne baissera pas d’un grain. Les voisins viendront toujours se battre chez-nous et exporterons leurs problèmes sur notre territoire. Et aucun accord, aucun organisme régional ou mondial ne changera cette donne. La seule solution c’est la résurrection de notre état accompagnée d’un élan de patriotisme. Aussi longtemps que la RDC aura des frontières poreuses, un patriotisme et nationalisme inexistant, des dirigeants mercenaires, il faudra oublier toute quiétude dans la région Est du pays. Mais qui y pense ? Qui en parle ? Nous sommes tous dans la Rumba, l’ambiance, la bière, les prières et les débats politiques inutiles. Quand allons-nous nous réveiller ? Nous, congolais, ne devrions pas dormir debout…Trouvons nos propres solutions. Le salut ne nous viendra ni de l’Est, ni de l’ouest !