Quand la RDC sera-t-elle réellement une nation ?

Date : Jeudi 07 avril 2022

Merci d’être nombreux à l’écoute de ce trentième numéro. Laissez-moi vous souhaiter un excellent début de semaine et particulièrement un heureux mois de Ramadhan à nos amis musulmans ! Ensemble travaillons pour une société plus juste envers ses membres et plus inclusive. Dans ce numéro nous reviendrons sur la problématique de la cohésion nationale et du nationalisme qui sont mis à mal ces derniers jours en RDC.

Quand la RDC sera-t-elle réellement une nation ?

Elle s’appelle Dominique Munongo Inamizi. Elle est élue députée nationale de la circonscription de Lubudi (Lualaba). Une ancienne activiste de la société civile, sociologue de formation, elle a aussi été bourgmestre de la commune de Likasi dans la ville du même nom au Katanga. Surnommée « princesse Yeke », elle est la fille de Mwami Mwenda Shyombeka wa Shalo Munongo Godefroid, un ancien ministre de l’intérieur sous le gouvernement de Moïse Tshombe. Au cours d’une émission télévisée tenue à Kinshasa en date du 27 mars 2022, ses propos ont énervé plus d’un. Ils ont été qualifiés de « désobligeants, racismes, tribalismes, xénophobie et incitation à la haine ». Ces propos ont relancé le débat sur l’apport de chaque province face au développement de la RDC et malheureusement ont fait resurgir le démon du régionalisme qui on doit le reconnaitre prime sur la réalité du nationalisme. Le congolais moyen continue à penser et s’identifier à sa tribu, son ethnie ou sa région dans le meilleur des cas plus qu’il ne le fait à sa nation. On est d’abord Mukongo, Katangais ou luba avant d’être congolais et non l’inverse. Et cette division et ségrégation se manifeste et s’observe à tous les échelons de la gouvernance (national, provincial, territorial, secteurs, etc.). L’accent est mis sur ce qui divise plutôt que sur ce qui unit.

Ce qui m’intéresse dans ce débat ce n’est pas de rentrer dans la polémique sur la pertinence voire la factualité des propos de l’honorable Dominique Munongo mais plutôt savoir ce que nous devrions apprendre de ce débat qui s’invite sur la place sociale et peut être aussi penser à des mécanismes pour nous aider à aller de l’avant (et endiguer ce démon de ségrégation qui semble prendre de l’ampleur de jour au jour en RDC).

  1. Il est plus que clair que la RDC n’a pas encore développé un sens élevé de nationalisme et de patriotisme. Le Congo n’est qu’une nation sur papier. En réalité et en pratique il s’agit d’un amalgame des nations, tribus et ethnies. Pour gouverner en RDC, les leaders s’appuient non pas sur des visions de société ou une idéologie de gouvernance qui unissent mais ils jouent sur des fibres tribalo-ethnico-régionales. Le pouvoir devient donc une alliance des leaders régionaux, tribaux ou ethniques plutôt qu’un mariage d’idée et de vision. La RDC est redevenue comme en 1885 à Berlin, un gâteau que les puissants se partagent selon leur gré et non pas dans l’intérêt du congolais moyen. On l’observe lors des nominations des mandataires publics à tous les niveaux. Ce même phénomène se constate dans la cartographie de l’ancrage géographique des partis politiques. Ces cartes sont littéralement calquées sur les distinctions tribalo-ethnico-régionales. Et elles changent selon que les alliances politiques changent.
  2. Il est étonnant que plus de 62 ans après l’indépendance, la RDC ne se soit pas dotée des structures étatiques qui favorisent et promeuvent la cohésion nationale, le vivre ensemble et le patriotisme au-delà des slogans et campagnes politiciennes sporadiques. Ce qui fait la force des beaucoup des grandes puissances du monde, c’est leur patriotisme exprimé au travers un esprit nationaliste et l’acceptation des uns et des autres comme membres d’une seule nation malgré leur différences cultures et leurs traditions diverses. Et pourtant en RDC, nos conflits (actifs ou latents) sont toujours encrés sur les questions identitaires. Les dirigeants gouvernent comme si nous étions un seul peuple partageant une seule histoire et culture homogène, alors que nous savons tous que nous sommes un amalgame des peuples constitué en un Etat d’une manière arbitraire et un hasard mesquin. Je ne suis pas étonné de voir que les politiques ne soient pas intéressés à changer l’Etat des choses. Après tout c’est plus facile de diriger sur bases des différences et des jeux d’alliances ancrées sur la peur de l’autre que de construire une société.  Ne dit-on pas « diviser pour mieux régner » ? Ce qui surprend est que même au sein de la société civile dans sa diversité, ce virus de ségrégation a élu domicile.

Quel que soit ce que vous pensez de la saga Dominique Munongo, elle n’est que le reflet d’un problème plus grand et plus profond. La meilleure réponse n’est pas une loi contre les propos ségrégationnistes et discriminatoires. La solution réside dans un changement de paradigme et le développement d’un système qui encouragerait la construction d’un patriotisme et nationalisme à tous les niveaux. Mais sommes-nous prêts à quitter la zone de confort de nos tribus, ethnies et régions pour embrasser l’inconnu d’un patriotisme et nationalisme idéalistique pour ne pas dire utopique ? Au moins la question est sur la place publique.

Chers amis auditeurs et auditrices de la Radio Universitaire Jambo FM, merci d’avoir suivi « MON POINT DE VUE ». Dans ce numéro, nous avons parlé de la problématique de la cohésion nationale et du nationalisme qui sont mis à mal ces derniers jours en RDC. Cette chronique vous a été présentée par le Rev Nicolas Kyalangalilwa. Laissez-moi vous souhaiter un heureux mois de ramadhan pour nos amis musulmans et à nous tous une excellente semaine. A très bientôt pour un nouveau numéro. En attendant portez-vous bien et que Dieu vous bénisse !

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