Nairobi-2 ou la Communauté Economico-politique de l’Afrique de l’Est : un piège pour la RDC ?

Merci d’être nombreux à l’écoute de ce trente sixième numéro. Laissez-moi vous souhaiter un excellent début de semaine ! Ensemble travaillons pour une société plus juste envers ses membres et plus inclusive. Dans ce numéro nous reviendrons sur le sommet sur la sécurité des pays d’Afrique de l’Est qui s’est récemment tenu à Nairobi ainsi que des ses retombées en ce qui concerne la situation sécuritaire de la RDC.

Nairobi-2 ou la Communauté Economico-politique de l’Afrique de l’Est : un piège pour la RDC ?

Le jeudi 21avril 2022, il s’est tenu à Nairobi sous la présidence du président Kenyan, un mini-sommet sur la sécurité, organisé par la Communauté Economique de l’Afrique de l’Est. Ont pris part à ce sommet les chefs d’Etat du Kenya (Uhuru Kenyatta), de l’Ouganda (Yoweri Museveni), du Burundi (Evariste Ndayishimiye), de la RDC (Félix Tshisekedi). Le Rwanda était représenté par son ministre des Affaires étrangères. La Tanzanie et le Soudan du Sud, n’était pas de la partie.  L’ONU, l’UA, la CIRGL ainsi que les gouvernements américains et français avaient participé au somment en qualité d’observateurs.

De part, le communiqué final, tout observateur averti aura compris que la situation sécuritaire à l’Est de la RDC était au centre de ces discussions. La RDC semble avoir sollicité l’aide de la Communauté des pays de l’Afrique de l’Est pour résoudre la question de l’insécurité sur son territoire. Il n’est un secret pour personne que depuis un temps la RDC accuse certains de ses voisins d’être des soutiens des groupes qui déstabilisent la partie Est de son territoire. Le sommet a ainsi décidé de la mise en place d’une nouvelle brigade régionale, commandée par la RDC, pour combattre les groupes armés et ainsi pacifier la région.  Le sommet aura aussi résolu que le Kenya faciliterait des consultations entre le président de la RDC et différents groupes armés opérant dans la partie Est de ce pays. Le président Congolais Félix Tshisekedi devait rencontrer le 22 avril 2022, les leaders et délégués de certains groupes armés actifs dans la région Est de la RDC. A la dernière minute, il s’en ira à Kinshasa laissant un groupe d’expert discuter avec les différentes délégations des groupes armés. Comment expliquer cette volte-face ? Aura-t-il compris à la dernière minutes le piège lui tendu par ses pairs ? Nous ne le saurons jamais. Le dialogue continue cependant sans lui.

Cependant des questions s’imposent face à la réalité de la situation :

  1. L’EAC va-t-elle donc pouvoir aider la RDC à résoudre ses problèmes sécuritaires ? Cette organisation régionale ne semble pas avoir une historique de bien gérer les conflits. Le cas du Soudan du Sud, qui en est membre, pourquoi l’EAC n’a pas réussi à résoudre ce problème ? Quel sont les leviers politiques et militaires qui rassureraient que cette fois-ci cette piste aura plus des chances de réussite en RDC que les autres entreprises tentées précédemment ? On doit se rappeler que la MONUSCO est toujours la plus grande force de maintien de la paix onusienne au monde. Et pourtant elle ne semble pas avoir aider à en finir avec la question des groupes armés à l’EST de la RDC, forte de ces deux décennies en RDC. Je crois que ce sommet et ses résolutions ne sont que des services après-vente. Après l’adhésion de la RDC dans l’EAC, ces Etats veulent s’assurer d’un minimum de stabilité pour permettre leur exploitation. Il n’y a rien dans cette démarche qui peut être retenu dans l’intérêt du Congolais. Les Ougandais veulent construire leur route dans la partie Nord (axes routiers Kasindi – Beni- Butembo et Bunagana- Rutshuru – Goma au Nord-Kivu, longs de 223 Kilomètres) et ils ne le font pas par charité. On rapporte aussi que depuis les opérations de traques des ADF, les Ougandais sont dans l’exploitation de l’or (et des bois). Les Rwandais ont déjà signé des accords avec la RDC pour exploiter et transformer les minerais de l’ancien Kivu (avec la société SAKIMA). Les Kenyans veulent protéger leur investissement dans le systèmes bancaires (ils ont racheté l’ancienne BCDC).
  2. En 2012, un premier accord de Nairobi aura été signé. Dix ans plustard, cet accord souffre de mise en application. L’accord cadre d’addis abeda signé le 24 février 2013 n’a toujours pas réussi en ce jour à pacifier la région alors que celui-ci bénéficiait d’un plus grand appui diplomatique et des engagements de plusieurs partenaires. Qu’est-ce qui rassure que le sommet de Nairobi conduise à des meilleurs résultats ?
  3. Il est aussi à noter que le dialogue qui devrait suivre le mini-sommet était décrit comme un dialogue politique. Et donc le gouvernement Congolais allait mener des négociations politique et répondre aux demandes « politiques » des groupes armés. La présidence de la république a depuis lors changé de langage en insistant sur le fait qu’il s’agirait d’une dernière discussion pour inviter ces groupes rebelles dans le processus de désarmement. Mais qu’auront ces groupes en retour s’ils déposaient les armes ? Il est plus que clair que si négociation il y a c’est parce que l’option militaire ne semble mener nulle part. Mais pourquoi le faire à Nairobi sous les auspices des médiations étrangères et non pas en RDC ?
  4. Qu’en-est-il des pays voisins (le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda) dont certains de leurs rebelles sont en RDC ? Si le sommet se voulait une discussion sur les questions sécuritaires dans la région, la RDC n’est pas le seul à avoir des problèmes. Pourquoi n’a-t-on pas aussi été demandé à ces pays d’organiser des dialogues avec leurs groupes armés ? Tout ceci n’augure rien de bon. Mais l’avenir nous le dira. Nous désirons tous que ce processus marche et produisent des résultats mais les prémisses sont déjà biaisées, comme c’était le cas de l’accord d’addis abeba.
  5. A mon humble avis le problème de la RDC est très complexe et il faut éviter de le résoudre en le simplifiant. Les problèmes de la RDC vont au-delà de la problématique des groupes armés. Cette dernière n’est d’ailleurs qu’une expression des problèmes de gouvernance et d’inexistence de l’Etat. Qui les résoudra pour nous ? En plus des enjeux régionaux, il faut reconnaitre les faiblesses internes. Et aussi longtemps que ces faiblesses ne seront pas adressées, la problématique de l’instabilité sécuritaire ne baissera pas d’un grain. Les voisins viendront toujours se battre chez-nous et exporterons leurs problèmes sur notre territoire. Et aucun accord, aucun organisme régional ou mondial ne changera cette donne. La seule solution c’est la résurrection de notre Etat accompagnée d’un élan de patriotisme. Aussi longtemps que la RDC aura des frontières poreuses, un patriotisme et nationalisme inexistant, des dirigeants mercenaires, il faudra oublier toute quiétude dans la région Est de la RDC. Mais qui y pense ? Qui en parle ? Nous sommes tous dans la Rumba, l’ambiance, la bière, les prières et les débats politiques inutiles. Quand allons-nous nous réveiller ? Nous, Congolais, ne devrions pas dormir debout…trouvons nos propres solutions. Le salut ne nous viendra pas ni de l’Est, ni de l’ouest !

Chers amis auditeurs et auditrices de la Radio Universitaire Jambo FM, merci d’avoir suivi « MON POINT DE VUE ». Dans ce numéro, nous avons parlé le sommet sur la sécurité des pays d’Afrique de l’Est qui s’est récemment tenu à Nairobi ainsi que des ses retombées en ce qui concerne la situation sécuritaire de la RDC. Cette chronique vous a été présentée par le Rev Nicolas Kyalangalilwa. Laissez-moi vous souhaiter une heureuse semaine. A très bientôt pour un nouveau numéro. En attendant portez-vous bien et que Dieu vous bénisse !